Combien des fois avons-nous entendu l’évangile de disciples d’Emmaüs dans notre vie ? Luc est l’unique à nous raconter ce récit (Lc 24, 13-35). Marc en fait allusion dans un seul verset (Marc 16, 12). Découragés, les deux disciples retournent chez eux: « Nous espérions…» C’est toujours tragique lorsque nous parlons de notre espérance au passé. L’imparfait traduit bien le désespoir. C’est pourquoi, en ce 3ème dimanche de Pâques, je voudrais bien que nous méditions un peu à partir de cette phrase de disciples découragés qui retournent à la maison : Nous espérions, mais voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. Ils expriment leur déception, leur découragement et leur désespoir.
Encore aujourd’hui nous constatons malheureusement avec beaucoup d’étonnement ce découragement et ce manque d’espérance… Nous entendons dire chez certains prêtres et chrétiens catholiques, ‘’ nous espérions que la foi chrétienne (catholique) puisse se développer. Mais hélas, nos églises se vident et se ferment, peu de jeunes viennent à la Messe, trop peu des jeunes s’orientent vers la prêtrise ou la vie consacrée en général… Certains parents très inquiets de leurs enfants qui ne leur rendent pas ce qu’ils ont donné, ils disent : ‘’nous espérions que nos enfants, avec l’éducation qu’ils ont reçue de nous, puissent transmettre le flambeau de la foi à leurs enfants, mais combien d’entre eux ne font plus baptiser leurs petits.’’
Dans notre vie, chacune et chacun, faisons parfois face à des situations humainement décourageantes : le décès d’un proche, une maladie incurable, la fin d’une grande amitié, une perte d’emploi, une trahison d’un ami, la dépendance à l’alcool, une infidélité désastreuse ou encore aujourd’hui cette pandémie qui ne finit pas de dire son nom… Et comme les disciples d’Emmaüs, nous rentrons à la maison, la tête basse, le regard éteint, au fond de nous un vide s’installe. Nous faisons alors l’expérience du tombeau vide. C’est pourquoi depuis Pâques, Le Ressuscité multiplie ses apparitions à ses disciples et à nous aujourd’hui à travers les lectures que la liturgie nous propose, pour combler ce vide, nos vides de l’espérance car Il est désormais présent sous une autre forme.
Remarquons que l’un de deux disciples, son nom n’est pas révélé. Ce disciple dont on ne dit pas le nom, n’est-il pas chacune et chacun de nous. Nous sommes tous, à un moment ou l’autre, sur une route de désespoir, à la tombée du jour, abattus et sans réponses à nos questions, à nos problèmes, à nos soucis. Nous continuons à avancer malgré nous, mais le cœur n’y est plus. Notre chemin s’enfonce dans la nuit. Je pense tout spécialement en cette période aux personnes malades et âgées qui espéraient en ce moment de confinement recevoir ne fus que les visites de la famille, une manière pour elles de se sentir en sécurité. Malheureusement, l’éloignement devient de plus en plus criant. Elles ont l’impression d’être abandonnées. L’une d’elles disait: “Je préfère mourir du coronavirus que mourir de l’isolement et de la solitude.” C’est fort comme paroles !
Lorsque nous avons l’impression d’être abandonnés, c’est alors que Dieu vient nous rejoindre. Et peut-être justement parce que c’est une impasse, le Seigneur se joint à nous, rendant peu à peu notre cœur tout brûlant. Il vient à travers un geste d’un infirmier ou d’une infirmière, à travers un brancardier ou aide-soignant, à travers une aide-familiale, un ami, un inconnu, une rencontre imprévue, un événement heureux ou malheureux. Souvent, nous ne le reconnaissons pas. Nous le croyons dans les tabernacles de nos églises comme disait un prêtre. Mais Il est toujours là, au croisé de nos chemins, présent à nos côtés.
Le Christ ne nous interdit pas d’exprimer notre désarrois, notre déception quand nous avons l’impression qu’Il n’est pas présent à nos côtés: Tu es bien la seule personne qui ne se rend pas compte de ce qui se passe. Dans la famille, ça va mal, il y a la maladie, l’incompréhension, les frictions, on est au bord d’une séparation… Le dimanche, nous ne sommes plus que des personnes âgées à participer à l’eucharistie… Dans le monde, on ne parle que de guerres, de violence, de conflits de toutes sortes et aujourd’hui du covid-19… Tu es sûrement la seule personne qui ne sait pas ce qui nous arrive, nous ne pouvons même plus aller à la messe. Avec ce coronavirus, certains vont plus loin en pensant même que c’est la fin du monde qui s’annonce, et c’est Matthieu qui répond à cette préoccupation (Mt 24, 36). Avec calme, l’inconnu fait revoir ces événements sous un angle nouveau. Il éclaire tout cela par la foi. À travers les Écritures, le Ressuscité nous ouvre à la foi et à l’espérance.
Dans ce récit, tout bascule lorsque les deux compagnons de voyage offrent l’hospitalité à l’inconnu. L’inconnu qui n’est autre que celui qu’ils ont vu partagé le dernier repas avec eux et qu’ils ont vu mourir. Du coup, deux sentiments les habitent : l’émerveillement et la joie de le reconnaître Vivant, ils l’invitent alors à rester avec eux. Le Christ se fait reconnaître là où il y a fraternité et partage. C’est ce que nous faisons quand nous célébrons l’Eucharistie.
L’histoire des disciples d’Emmaüs nous invite aujourd’hui à relire les événements et les situations dans notre vie à la lumière de la Parole de Dieu, à accueillir un frère et une sœur à mes côtés et à partager ensemble le pain de la route, pain eucharistique : trois chemins que Jésus ressuscité ne cesse d’emprunter pour se manifester à nous au quotidien. Soyons attentifs, Il nous croise sur nos chemins de la vie lors qu’Il vient dans sa Parole, dans l’Eucharistie et dans celui ou celle qu’Il met sur notre chemin (dans des moments ou des événements heureux ou douloureux parfois) pour nous tenir par la main afin d’avancer dans la confiance et l’espérance vers un lendemain meilleur même dans cette pandémie qui fait parlé d’elle depuis quelques semaines déjà… Amen.